Le Gran Hotel de Palma, Le premier hôtel de luxe à Majorque

En plein centre-ville, Place Weyler, idéalement situé entre les 2 promenades ombragées que sont Las Ramblas et El Born, se trouve le splendide Gran Hotel, un des édifices emblématiques de l’architecture moderniste de Palma. et maintenant siège de la Fondation Musée Caixaforum.
Pionnier du tourisme et de l’hôtellerie de luxe à Majorque et en Espagne
A une époque où les auberges modestes, souvent conçues pour les paysans majorquins, étaient la seule option pour séjourner à Palma, le Gran Hotel a surgi au coeur de la ville en 1903.
Au début du XXème siècle, l’Espagne n’avait pratiquement pas d’hôtel de luxe. Le roi Alphonse XIII, a favorisé la construction d’établissements de cette catégorie pouvant répondre aux besoins d’hébergement des représentants de la noblesse et des maisons royales lors de leurs visites dans le pays.
Le Grand Hôtel, ainsi nommé en français à sa création, a été le plus luxueux des hôtels espagnols jusqu’à l’ouverture du Ritz de Madrid en 1910 et a fait le bonheur des premiers touristes fortunés, des intellectuels et des artistes de l’époque.
Dans les années 20, Le Gran Hotel avait même une “annexe”, La Villa Victoria , (Actuellement Hôtel Melia Victoria) reliée directement par un tramway grâce auquel les richissimes clients pouvaient profiter d’un panorama idyllique sur les criques de la Méditerranée avant la construction du Paseo Maritimo qui ne commença que dans les années 50.
Un projet ambitieux pour ce début de XXème siècle
Sa construction débuta en 1901 sur un terrain d’environ 1000m2 grâce à un homme d’affaires majorquin, Joan Palmer i Miralles dont la fortune provenait d’Uruguay et du premier président de la “ Sociedad Fomento de Turismo”, l’homme politique majorquin Ferran Truyols i Despuig, Marqués de la Torre.
c’est à l’architecte Catalan, disciple de Gaudi, Lluis Domènech i Montaner que l’on doit sa conception.
La direction des travaux fut confiée à un architecte majorquin, Jaume Aleñar i Ginard.
Devant l’ampleur du projet, la collaboration d’un spécialiste de l’hôtellerie jouissant à l’époque d’une prestigieuse réputation, Antoni Albareda i Canals, fut requise.
Il abandonna les rênes de l’hôtel de luxe Quatre Nacions à Barcelone pour prendre la tête de ce nouvel édifice destiné au rayonnement de Palma. Il fut probablement le premier à éditer un guide touristique sur Majorque qu’il réservait aux clients de l’hôtel.

Le Gran Hotel s’inscrit dans la tendance moderniste, la plus avancée de son époque
Construit à une époque où Majorque commençait à entrevoir les possibilités d’un développement touristique, l’hôtel qui pouvait accueillir 150 hôtes, alliait l’audace esthétique du modernisme aux exigences du confort.
Au rez-de-chaussée, un grand hall s’ouvrait sur la salle à manger des invités, le restaurant, une salle réservée aux dames, un fumoir et les bureaux.
Puis un magnifique escalier conduisait aux 4 étages occupés par les chambres, toutes équipées de chauffage, 10 avec salle de bains privées et une suite luxueuse avec sa propre salle à manger.
Dans les sous-sols se trouvaient les cuisines, les locaux du personnel et les installations permettant au Gran Hotel de produire sa propre électricité. A l’époque où l’éclairage au gaz prédominait encore, l’établissement disposait d’appareils à piles qui éclairaient 450 ampoules à incandescence !
Le chauffage de tous les étages était assuré par des chaudières à bois provenant d’une usine de Majorque. Une innovation révolutionnaire en ce début de siècle à Majorque, où de nos jours encore de nombreuses maisons n’ont toujours pas le chauffage !!
Dans le cadre de cette somptueuse ambiance, de célèbres artistes contemporains ont été sollicités comme les peintres catalans Santiago Russiñol et Joaquin Mir dont les tableaux ont orné les murs de la grande salle à manger.
Inauguration le 9 février 1903, un événement retentissant
L’ouverture du Gran Hotel a été dignement célébrée. Tout le gratin de l’époque se retrouva sur la Place Weyler: Autorités locales, Consuls, Aristocrates, Journalistes et autres invités se réunir pour assister à la bénédiction de l’édifice par l’évêque Pere Campins puis au dîner de gala pendant lequel le poète Joan Alcover, auteur de l’hymne officiel de Mallorca, La Balanguera, déclama quelques mots.

Grandeur et décadence, triste conséquence de la Guerre Civile
Joan Palmer et son fils, propriétaires de l’hôtel en reprirent la direction à la suite d’Antoni Albareda et réussirent à consolider sa réputation de luxe et modernité.
Les années difficiles commencèrent avec le début de la Guerre Civile en 1936 qui stoppa brutalement le tourisme et les activités culturelles ou sociales.
Pendant la guerre, le Gran Hotel devint la résidence des pilotes et officiers de l’armée de l’air italienne, puis ferma ses portes en 1941, pour finalement devenir en 1942 la propriété officielle de l’Etat espagnol et accueillir le siège de l’institut national de la sécurité sociale.
Ce nouvel usage de l’établissement a malheureusement précipité sa dégradation. L’intérieur fut transformé en bureaux et la façade partiellement mutilée, les couronnes néo-gothiques qui la caractérisaient ont été supprimées et des colonnes de marbre se retrouvèrent dissimulées derrière de quelconques fenêtres.
Par la suite, un palais de justice et un bureau de recensement ,”l’instituto nacional de Previsión” ont été installé dans le Gran Hotel.

Une renaissance architecturale et culturelle après la chute de la dictature
En 1987, La “Caixa d’Estalvis i Pensions” de Barcelona racheta le Gran Hotel avec l’intention d’y installer le siège de la Fondation La Caixa à Majorque.
Sous la direction de l’architecte Majorquin Pere Nicolau i Bover à qui l’on doit également le Parc de la Mar et le terminal de l’aéroport de Son Sant Joan, les travaux ont duré 7 ans.
l’équipe d’architectes et techniciens ont tenté de récupérer le plus grand nombre d’éléments de l’ancien hôtel afin de lui rendre sa splendeur d’antan.
La façade a été restaurée grâce à des recherches minutieuses à partir de photos anciennes et de croquis originaux de Domènec i Montaner.
Quant à l’intérieur, tout en se modernisant pour s’adapter à sa nouvelle fonction, il a retrouvé également son aspect d’origine.
L’inauguration du nouveau centre culturel de la Caixa, Caixaforum a eu lieu en Juillet 1993, 90 ans après celle du Gran Hotel et ce fut un événement social tout aussi important avec la présence des rois d’Espagne, Juan Carlos y Sofía.
La Caixaforum, l’un des points forts de l’activité culturelle de Palma
L’entrée majestueuse de la Fondation entre le café restaurant chic et raffiné et la librairie d’Art, permet d’accéder aux expositions temporaires. Dans les étages, l’exposition permanente est dédiée au peintre catalan Hermenegildo Anglada Camarasa avec 79 toiles aux couleurs chatoyantes précurseuses du Fauvisme et plus de 120 dessins.
La Caixaforum accueille également des conférences, activités culturelles, ateliers éducatifs pour les plus jeunes, cycle de cinéma etc.
Retrouvez plus d’informations concernant la Fondation sur le lien suivant.
Et si vous voulez découvrir Palma dans les années 20, voici un montage video de l’époque qui vous plongera dans l’atmosphère de la ville:
Crédits textes: El gran hotel Palma: Pentágono cultural II. Carlos Garrido y Elena Ortega en Guia del Patrimonio. Recorridos culturales de las Islas Baleares. Ed: El día del mundo, Palma. Diario del viajero, Ultima hora, Caixaforum.
Crédits photos: Caixaforum.com, mallorcatreasure.blogspot.com, fotosantiguasdemallorca.blogspot.com, mallorca-pintada.blogspot.com, wikipedia
Arrivée à Palma en 1986 pour un court séjour, j’ai rapidement réalisé que j’avais enfin trouvé l’endroit idéal. Omniprésence de la mer, douceur de vivre et une petite librairie franco-anglaise, Book-Inn, où durant dix ans j’ai pu partager ma passion pour la lecture avec les nombreux majorquins férus de culture française. Titulaire d’un diplôme d’état de psychomotricienne, j’ai collaboré en tant que bénévole avec le centre ASPACE, parcouru l’île pendant 3 ans pour une agence de location saisonnière, donné des cours de français à l’Instituto Lluliano.
Comme André Brink, je pense qu’il n’existe que deux espèces de folie contre lesquelles on doit se protéger. L’une est la croyance selon laquelle nous pouvons tout faire et l’autre est celle selon laquelle nous ne pouvons rien faire.