Sa bastida et le Castell d’Alaró à Majorque
Le castell d'Alaró fait partie des 3 seuls châteaux forts de Majorque avec le castell del Rei à Pollença et le castell del Santuari à Felanitx

Ces châteaux se caractérisent par leur localisation dans des zones élevées difficilement accessibles où les murs s’adaptent à l’orographie abrupte du terrain, et les falaises font partie du système défensif.
Ce ne sont pas des châteaux pour servir de résidence, ce sont des forteresses qui, en raison de leur situation géographique particulière, sont devenues un soutien militaire, en même temps qu’elles ont servi de refuge à la population sans défense.
Simple objectif final d’une excursion en montagne, on oublie souvent de s’intéresser à leur histoire, pourtant passionnante !

Onze siècles d’épopées et de légendes
L’histoire du château d’Alaró, site d’intérêt culturel depuis 1931, pourrait faire l’objet d’une saga historique à succès tant elle regorge d’épisodes épiques et incroyables.
L’antiquité tardive
Le premier château d’Alaró est Sa Bastida, une forteresse naturelle à 576 m d’altitude qui commence à dévoiler ses mystères, suite à une campagne archéologique. Le complexe est situé à environ 250 mètres de la puissante source de Sa Bastida et révèle la présence d’imposantes murailles, 7 citernes et de nombreuses maisons datées entre le IVe et le VIIe siècle après Jésus-Christ.
Sur le site qui occupe au moins 19 hectares, de nombreuses civilisations, de la période qui couvre les derniers soubresauts de l’Empire romain d’Occident, du royaume vandale et de l’empire byzantin, ont laissé des indices de leur présence.
La découverte de matériaux identiques à l’emplacement de Sa Bastida et à celui du Castell d’Alaró érigé par la suite, permet de déduire qu’il y eut une période de coexistence entre les 2 fortifications. Il s’agit d’amphores, de tuiles et de céramiques : poteries romaines, terra sigilata, poteries ebusitanas (originaires d’Ibiza), verre, ustensiles de cuisine d’origine africaine. Autant de preuves de la position centrale de Majorque pour le commerce en Méditerranée occidentale.

La conquête musulmane
Avant ces découvertes,les premières références documentaires remontent à 902, année de la conquête de l’île de Majorque par les Sarrasins. Il s’agit d’une chronique arabe qui narre précisément l’acte héroïque des chrétiens qui ont résisté pendant plus de 8 ans dans le château de Hisn Alarum, comme l’appelèrent par la suite les musulmans.
Ce texte fondamental sur la conquête musulmane de Majorque, rédigé par le géographe Al Zuhri, écrit
Sur cette île il y a une grande forteresse bâtie sur un lieu élevé et aride, sans précédent dans le monde habité ; elle est connue sous le nom de Hisn Alarum. Les Majorquins disent que lorsque l’île fut conquise […], les Roum (chrétiens majorquins descendant des Romains, Vandales et Byzantins) résistèrent dans cette forteresse pendant 8 ans et 5 mois après la conquête, sans que personne ne puisse rien contre eux.

Le XIIIº siècle et les querelles internes
En 1231, 2 ans après le débarquement de Jaume I à Majorque, les derniers groupes de résistance de la population musulmane sont encore réfugiés dans les 3 châteaux forts de l’île. Le roi conquérant, apprenant qu’aucune aide ne viendrait du royaume de Tunisie décide d’entreprendre l’assaut du Castell d’Alaró considéré comme le plus fort du royaume.
Selon la légende, le monarque chevauche ses troupes jusqu’à la porte du mur de la forteresse. Lorsque les gardes descendent pour tenter de l’appréhender, il les charge avec une telle force que son cheval laisse une marque ronde sur l’une des pierres, connue depuis sous le nom d’empreinte du cheval du roi Jaume I. Il aurait tué tant d’ennemis que les traces orangées des falaises autour du château, qui s’intensifient au coucher du soleil, sont aujourd’hui attribuées aux traces de sang des Sarrasins.
À sa mort en 1276, le royaume de Majorque revient à son fils Jaume II. Mais, à la suite de la guerre entre la Catalogne et la France, Majorque est envahie par Alfons III d’Aragon, le neveu de Jaume II ; À l’exception du château d’Alaró où flotte encore en 1286, la bannière du roi Jaume II. Les fidèles partisans du roi légitime s’y sont rassemblés sous le commandement de 2 hommes d’Alaró, Guillem Cabrit et Guillem Bassa.

La légende de Cabrit et Bassa
Les 2 capitaines de Jaume II protègent la place forte avec vigueur, sans aucune volonté de lâcher prise. Alfons III lui-même vient à cheval pour les inviter à rendre leurs armes. Des insultes sont échangées entre les 3 hommes. Apprenant le nom de ceux qui osaient lui résister, le roi aurait déclaré : “Cabrit (chevreau en majorquin), je vous ferai rôtir comme des chevreaux !”.
Quand finalement, le château tombe, Alfons III met sa menace à exécution et fait brûler les 2 hommes sur la Plaça del Lledoner à Alaró. Un acte de barbarie qui lui vaut l’excommunication de la part du pape Grégoire XII.
Cabrit et Bassa survivront dans l’imaginaire populaire de l’île en tant que martyrs et aujourd’hui, ils apparaissent représentés sur des retables et des peintures dans diverses églises de Majorque.
Bien que le château maintienne une garnison militaire jusqu’en 1741, il tombe progressivement en désuétude au fil du temps jusqu’à assumer une fonction plus religieuse que militaire. Grâce à l’oratoire Mare de Déu del Refugi, construit en 1622, le château est devenu un lieu de culte et de pèlerinage pour les fidèles. Des reliques de Cabrit et Bassa y sont conservées.

L’excursion au Castell d’Alaró
L’ ascension au Castell d’Alaró est l’une des excursions les plus classiques que l’on puisse faire à Majorque. Elle peut se faire à pied depuis la ville ou bien depuis le Puig d’Alaró à côté du fameux restaurant Es Verger où vous pouvez laisser votre voiture.
De là, un chemin pavé en ascension continue, vous conduira à une première porte de la forteresse (à côté de l’empreinte du cheval de Jaume I), puis à une seconde entrée à la base de la Tour de l’Hommage, qui occupait un espace central dans l’ancien château,
Une fois à l’intérieur des murs, dont les vestiges remontent au XIVe siècle, vous trouverez 2 autres bâtiments militaires à partir desquels les environs étaient surveillés : les vestiges de la tour défensive de Migjorn et la Prison des Maures ou Torre de sa Cova, qui doit son nom au fait qu’elle se dresse sur la Cova de Sant Antoni, une grotte habitée par des ermites au XVIIe siècle.
À l’intérieur de la forteresse, vous verrez également les citernes d’époque musulmane, les caves à charbon et les fours à chaux.

Vos efforts seront doublement récompensés par une vue époustouflante sur l’île de Majorque du nord au sud, avec les baies de Palma et Alcúdia et la Serra de Tramuntana et également par un déjeuner à Es Verger, où vous pourrez déguster une délicieuse cuisine locale comme le frito mallorquin, les sopas mallorquinas et sa fameuse paletilla de cordero.
Arrivée à Palma en 1986 pour un court séjour, j’ai rapidement réalisé que j’avais enfin trouvé l’endroit idéal. Omniprésence de la mer, douceur de vivre et une petite librairie franco-anglaise, Book-Inn, où durant dix ans j’ai pu partager ma passion pour la lecture avec les nombreux majorquins férus de culture française. Titulaire d’un diplôme d’état de psychomotricienne, j’ai collaboré en tant que bénévole avec le centre ASPACE, parcouru l’île pendant 3 ans pour une agence de location saisonnière, donné des cours de français à l’Instituto Lluliano.
Comme André Brink, je pense qu’il n’existe que deux espèces de folie contre lesquelles on doit se protéger. L’une est la croyance selon laquelle nous pouvons tout faire et l’autre est celle selon laquelle nous ne pouvons rien faire.