L’Art Majorquin: une histoire sous influences

Si l’évocation de l’art à Majorque s’apparente souvent aux grands artistes étrangers ou péninsulaires, tels que Georges Sand, Chopin, Joan Miró ou encore Robert Graves, qui y ont séjourné, il ne faut néanmoins pas sous-estimer les génies locaux.
Une histoire de l’art hésitante …
Pour comprendre l’art d’un pays, il faut en premier lieu s’attarder sur son Histoire et ce n’est pas chose aisée quant à Majorque.
A l’âge de bronze (1700-500 av.J.-C), se diffuse la culture talayotique, première trace d’architecture locale, caractérisée par la construction de tours circulaires constituée de massifs blocs de pierre. Vous pouvez en admirer sur le site de Capocorb Vell sur la route de Cala Pi.

Se succèdent ensuite les Carthaginois, les Romains (123av.J.-C), les Vandales (425-536) les Byzantins (536-903) et enfin les Maures (903-1235). Seuls ces derniers laissent une trace artistique : les Bains Arabes à Palma et l’organisation urbaine : à savoir un seul centre urbain sur l’île complété par un habitat dispersé.
C’est au XIIIème siècle, avec la reconquête chrétienne du territoire et l’avènement du Royaume de Majorque en 1276 par Jaume II, qu’apparaît véritablement l’art dans la vie de l’Ile : l’art gothique et l’art religieux. Le mécénat royal, l’influence religieuse et l’expansion économique y ont largement contribué.
L’art des Baléares catalanes
Ramon Llull (1232-1316) est un illustre représentant de cette période. Reconnu aujourd’hui comme l’un des plus grands philosophes du XIIIème siècle, il créa le monastère de Miramar dans la Sierra Tramuntana et écrivit plus de 250 ouvrages en catalan, latin et arabe pour défendre son idéal : l’unité de l’humanité.

En 1343, suite à une offensive de Pierre IV d’Aragon, Majorque perd son indépendance et rejoint la Couronne catalano-aragonaise puis la monarchie espagnole en 1469., conservant toutefois jusqu’en 1715 son identité catalane et ses institutions locales.
Deux grands artistes majorquins voient le jour à cette période : Guillem Sagrera (1380-1456) et Miquel Bestard (1592-1633). Nous devons à Guillem Sagrera, architecte et sculpteur gothique, la maîtrise d’œuvre de la Cathédrale de Palma à partir de 1420. Il travailla également sur Sa Llotja, loge de Palma, maintes fois prise en exemple pour sa perfection.

Miquel Bestard, peintre baroque de tradition maniériste, dédie son œuvre à 2 types de toiles : la peinture religieuse, que l’on retrouve dans les églises et couvents de Majorque et la peinture de motifs profanes, avec notamment des vues de Majorque, réputées pour l’extravagance des paysages.
L’ère des Baléares espagnoles
Lors de la Guerre de Succession d’Espagne, entre 1701 et 1713, le droit catalan, auquel était soumis Majorque est abrogé et désormais le pouvoir s’exerce depuis Madrid. Il faut attendre la fin du XIXème siècle pour voir réapparaître l’art dans la vie majorquine.
Antoni Maria Alcover (1862-1932) est l’auteur d’une oeuvre aux proportions colossales, une des plus importantes collections de contes folkloriques espagnols : Aplec de Rondales Mallorquines d’en Jordi des Reco. Il a également écrit le Diccionari català-valencià-balear, œuvre fondamentale en 10 volumes.
Miquel Costa i Llobero, né en 1854 à Pollensa, est une figure de l’école littéraire majorquine et de l’évolution de la poésie catalane moderne. Initialement sous influence romantique, il reproduit peu à peu les coutumes et légendes majorquines dans ses poèmes, comme dans les recueils : De l’Agre de la Terre (De l’Age de la Terre) et Tradicions i fantaisies (Traditions et Fantaisies). Il est d’ailleurs sacré membre de l’Académie Royale Espagnole.
Côté musique, Joan Maria Thomas i Sabater(1896-1966) a acquis une renommée internationale, en tant qu’organiste mais également compositeur d’œuvres pour orgues, piano, guitare. Il a largement participé à la promotion de la musique classique sur l’Ile et souvent joué sur l’orgue de la Seu.
Un XXème siècle florissant
Malgré ou peut-être à cause du Franquisme, qui occupe le pouvoir à Majorque de 1936 à 1975, l’art local prend un véritable essor au XXème siècle. Les artistes sont très nombreux, nous n’en présenterons que quelques représentatifs.

Le « fils illustre de Pollensa », Dionis Bennassar(1904-1967) rend hommage à la nature majorquine dans ses toiles. L’utilisation de couleurs vibrantes et de textures variées est son marqueur. N’hésitez pas à visiter le musée qui lui est consacré à Pollensa.
Baltasar Porcel (1937-2009), auteur social emprunt de réalisme historique, écrit en catalan des pièces engagées telles que El Condamnats ou Historia d’una guerra. Il dédie ses premiers romans au monde rural et marin de Majorque. Mais depuis 1960, il se consacre à la construction du mythe d’Andratx, Els Argonautes, dans lequel il mêle réalisme magique et intériorisation.
On ne peut évidemment pas faire l’impasse sur Maria Del Mar Bonet, née à Palma en 1947, chanteuse catalane de folk, qui a bravé la prohibition franquiste. Elle fait encore aujourd’hui des concerts dans le monde entier.

Enfin, le plus illustre peintre majorquin contemporain, Miquel Barcelo, né à Felanitx en 1957, produit des œuvres aux influences méditerranéennes et maliennes. Prix du Prince des Asturies des Arts en 2003, exposé au Louvre en 2004, il a également restauré la Chapelle du Très Saint dans la Cathédrale de Palma.
Sources: baleares.com, biografiasyvidas.com, persee.fr
Titulaire d’une maîtrise de Lettres Modernes et d’un Master en Stratégie de la Formation, Bénédicte a collaboré avec la Piaf durant une année où grâce à son talent d’écriture, elle a rédigé de nombreux articles. Depuis début 2020, Bénédicte est retournée vivre en France mais continue à aimer sans demi-mesure la belle île de Majorque !