Gastronomie

Ensaimada, Pâtisserie emblématique de Majorque

En vitrine de toutes les boulangeries, elle se décline dans toutes les tailles et un nombre infini de saveurs, l’ensaimada est la star sucrée des Baléares.

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Cette spirale, moelleuse et feuilletée à la fois, est devenue un des symboles gastronomiques de Majorque parmi les plus exportés, pas moins de 40 ensaimadas voyagent dans chaque vol qui décolle de l’aéroport Sant Joan de Palma !

Des origines lointaines et incertaines

Les premiers documents trouvés sur l’ensaimada datent du XVIIº /XVIIIº, comme celui du moine Frau Jaume Marti,  qui a fait le tour des possessions et couvents de l’île pour compiler toutes les recettes de la cuisine populaire.

L’archiduc Luis Salvador en parle également dans son livre : Die Balearen in wort und bild geschildert (Les Baléares en mots et en images), dans lequel on trouve de nombreuses références à l’ensaimada, la décrivant comme une pâtisserie typique de Majorque, que les classes moyennes et supérieures avaient l’habitude de manger au petit déjeuner, au goûter ou comme dessert après le repas. 

Crédit : Sa Sucreria

Les références historiques montrent que l’Ensaimada de Mallorca fait partie du patrimoine culturel et historique de Majorque depuis au moins 4 siècles, par contre, concernant l’origine plus ancienne, les avis sont partagés. 

Ce dont on est certain est l’origine étymologique du mot qui vient du catalan “saïm” signifiant, saindoux, soit la graisse du porc.

Présents sur l’île dès l’an 909, les musulmans élaboraient déjà une pâtisserie en forme d’escargot appelé Bulema, bien évidemment sans saindoux. 

La diaspora juive, très présente sur l’île et très bien intégrée avant que l’inquisition vienne les menacer, fabriquait pour shabbat ce même pain fait de tresses enroulées en spirale.

Une double symbolique : les tresses représentant l’union du divin et de l’humain et la spirale  représentant l’énergie de la vie comme dans de nombreuses cultures.

Crédit : Sa Sucreria

Alors comment la graisse de porc s’est-elle retrouvée dans ce pain sucré et sacré juif ?

Et bien justement ce sont les juifs eux-mêmes qui l’ont introduite pour berner les inquisiteurs sur la véracité de leur conversion forcée.

En mangeant un aliment interdit, ils échappaient aux représailles de la Sainte Inquisition et dès lors pouvaient  continuer secrètement à pratiquer leur religion.

Reconnaitre une bonne ensaimada selon Tomeu Arbona du Forn de la Soca

L’ensaimada a ainsi gagné sa place de reine dans les repas de fêtes ou familiaux majorquins où elle est obligatoirement présente !

Reconnaissance officielle, répercussion internationale et rivalité sororale

Aujourd’hui, l‘ensaimada de Majorque est le produit sucré par excellence avec lequel l’île est identifiée et l’activité touristique  lui a permis d’acquérir une reconnaissance internationale. 

L’ensaimada a franchi les frontières et a influencé la cuisine de certains pays d’Amérique latine comme Porto Rico où elle est appelée mallorca et en Argentine où la recette a évolué avec l’ajout d’autres ingrédients comme l’anis ou les graines de sésame.

Crédit : Gallina Blanca

L‘Ensaimada de Mallorca a obtenu sa protection en tant que dénomination spécifique en 1996 et, en avril 2003, le gouvernement des îles Baléares a approuvé le règlement, actuellement en vigueur, qui la reconnaît comme indication géographique protégée. il existe deux types d‘ensaimada de Mallorca pouvant s’octroyer cette reconnaissance officielle :

  • Ensaimada de Mallorca seca (sèche) une désignation qui fait référence au fait qu’il n’y a pas de garniture. Ses ingrédients sont la farine, l’eau, le sucre, les œufs, le levain et le saindoux.
  • Ensaimada de Mallorca de cabello de ángel, fabriquée à partir des mêmes ingrédients que la précédente et garnie de cheveux d’ange (fibres de potiron caramélisés).
Crédit : Sa Sucreria

L’ensaimada de Minorque est également très populaire et possède ses propres maîtres artisans dont les produits rivalisent avec ceux de sa grande sœur majorquine, recevant régulièrement des prix prestigieux lors de championnats internationaux.

Il existe un championnat mondial d’ensaimadas créé par “Hijos de Ramón Oliver”  depuis quelques années gagné en 2019 par le Forn Rafal du village de Búger et en 2020 par la boulangerie Can Pons d’Es Mercadal. L’élection a lieu tous les 1º mars, jour des îles Baléares.

Elle est partout mais jamais la même !

Comme le croissant ne peut être absent d’une boulangerie française, il en va de même pour l’ensaimada à Majorque. 

Depuis les années 60/70 les boulangers majorquins ne cessent de vouloir se démarquer les uns des autres en inventant de plus en plus de types d’ensaimadas.

Crédit : Gelabert

Il existe quelques classiques comme des garnitures de chocolat, turrón, crème catalane, crème fouettée, abricots, cheveux d’ange, soubressade, ou fromage de Maó à Minorque, mais certains “forns” font preuve d’une imagination débordante.

Crédit : Gelabert

C’est le cas de la boulangerie pâtisserie Gelabert à Llubi qui fut la première à recevoir le prix de la meilleure ensaimada du monde en 2018. Vous y trouverez 65 ensaimadas différentes ! avec des fruits, des oléagineux et autres surprises !

Sinon à Palma, Can Joan de S’aigo, Horno Santo Cristo, Forn Reina Maria Cristina et Forn de la Soca sont parmi les meilleurs forns sans oublier Forn S’aravall à Felanitx.

Voici une vidéo pour faire vous-même une délicieuse ensaimada : 

Laurence Griffon

Arrivée à Palma en 1986 pour un court séjour, j’ai rapidement réalisé que j’avais enfin trouvé l’endroit idéal. Omniprésence de la mer, douceur de vivre et une petite librairie franco-anglaise, Book-Inn, où durant dix ans j’ai pu partager ma passion pour la lecture avec les nombreux majorquins férus de culture française. Titulaire d’un diplôme d’état de psychomotricienne, j’ai collaboré en tant que bénévole avec le centre ASPACE, parcouru l’île pendant 3 ans pour une agence de location saisonnière, donné des cours de français à l’Instituto Lluliano. Comme André Brink, je pense qu’il n’existe que deux espèces de folie contre lesquelles on doit se protéger. L’une est la croyance selon laquelle nous pouvons tout faire et l’autre est celle selon laquelle nous ne pouvons rien faire.

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