Ramon Llull, le grand penseur majorquin
Né en 1232 ou 1233 à Palma, il est l’un des intellectuels les plus universels et puissants de la fin du Moyen-âge européen.
Ramon Llull était un penseur audacieux, un mystique fervent et un précurseur dans divers domaines de la connaissance. Il a voyagé à travers la Méditerranée pour s’instruire et diffuser sa théorie philosophique basée sur le débat et non le combat. Un homme qui voulait convaincre avec un livre pour seule arme, l’Ars.
Ramon Llull, un homme né dans une époque mouvementée
Ramon Llull est né à Ciutat (nom de Palma au Moyen-âge) 3 ou 4 ans après la conquête de l’île en 1229 par le premier roi de Majorque, Jaume I. À cette époque, l’île est le paradigme d’une Méditerranée dynamique et agitée par des croisades, des conquêtes violentes, des échanges commerciaux et culturels.
La culture chrétienne coexiste avec les vestiges de l’Islam récemment vaincu et la persistance de puissants noyaux juifs.
Issu d’une famille aisée d’origine catalane, il se distingue très jeune par son intelligence et devient même le précepteur du fils de Jaume I, le futur roi Jaume II. Il mène une vie paisible, rédige des poèmes, se marie et a 2 enfants. Un destin tout tracé auprès de la noblesse aisée, quand tout a basculé.
Les premières visions et le changement de cap
En 1262, il a quelques visions consécutives de Jésus Crucifié, ce qui l’impacte profondément. Il a 30 ans et abandonne sa vie mondaine et sa famille pour se consacrer à la spiritualité et l’étude. Il se fixe 3 objectifs : convertir les infidèles, écrire des livres et obtenir le soutien des papes et des rois.
Après un pèlerinage à Rocamadour et Saint Jacques de Compostelle en 1265, il se consacre pendant presque 10 ans à sa formation intellectuelle et linguistique (il a écrit en catalan, arabe et latin) à Majorque.
La rédaction de son livre, l’Ars, et la fondation de son école
En 1274, Ramon Llull se retire à Randa pour méditer et développe son système philosophique appelé l’Ars, basé sur des techniques de notation symbolique et de diagrammes pour démontrer la vérité et justifier la foi chrétienne par la raison.
Il visait à universellement convertir les « infidèles » en s’appuyant sur des principes communs aux trois religions monothéistes de l’époque et à mécaniser la connaissance, même en dehors de la théologie.
Toute sa vie et son travail littéraire, poèmes et romans compris, ont été centrés sur la diffusion de l’Ars et son approche théologique.
Dès 1276, Il participe à la fondation d’une école missionnaire au monastère de Miramar à Valldemossa. Treize moines franciscains y enseignent l’arabe et l’Ars Luliana. Il séjourne également au monastère cistercien de La Real à Palma, où il complète sa formation et écrit plusieurs livres.
Écrire et voyager pour diffuser sa théorie auprès du plus grand nombre
Une grande partie de sa vie a été dédiée à voyager en Europe et en Méditerranée pour convaincre les dignitaires, rois et papes de la nécessité du débat plutôt que de la guerre et pour rapprocher les non-croyants de la foi chrétienne.
Il a visité de nombreux pays, des universités européennes, et même les côtes africaines pour débattre avec des théologiens musulmans. Entre 1287 et 1293, il visite Montpellier, Paris, Rome, Gênes et, selon certaines sources, également Perpignan, Al-Andalus, Ceuta et l’Égypte.
Cependant, malgré ses efforts, il est déçu par les princes et érudits chrétiens, se sentant souvent seul, car la tâche qu’il s’est fixée de révolutionner la connaissance humaine avec l’Ars était immense.
Il a écrit 265 livres au cours de sa vie, témoignant de son dévouement à la cause religieuse.
Que reste-t-il de Ramon Llull de nos jours ?
Mort sur le bateau qui le ramène à Majorque depuis Tunis à l’âge de 83 ans, il est enterré dans la basilique de Sant Francesc à Palma.
Religieux, écrivain, philosophe, politique, voyageur, théologien, missionnaire et scientifique, Ramon Llull n’a probablement pas la place qu’il mérite dans la mémoire collective occidentale.
En ce XXIº siècle si tourmenté, peut-être faut-il d’abord retenir de cet homme exceptionnel qu’il fut un précurseur de l’œcuménisme, la coexistence pacifique entre les religions.
Il a proposé la raison universelle et commune à l’humanité et synthétisé un discours chrétien avec des éléments islamiques et hébraïques. Au sein du christianisme de l’époque, sa pensée a toujours été libre et indépendante.
Pour aller plus loin
Crédit : Roman Piña Oms, rutasramonllull.com, perdidoenmallorca.com
Arrivée à Palma en 1986 pour un court séjour, j’ai rapidement réalisé que j’avais enfin trouvé l’endroit idéal. Omniprésence de la mer, douceur de vivre et une petite librairie franco-anglaise, Book-Inn, où durant dix ans j’ai pu partager ma passion pour la lecture avec les nombreux majorquins férus de culture française. Titulaire d’un diplôme d’état de psychomotricienne, j’ai collaboré en tant que bénévole avec le centre ASPACE, parcouru l’île pendant 3 ans pour une agence de location saisonnière, donné des cours de français à l’Instituto Lluliano.
Comme André Brink, je pense qu’il n’existe que deux espèces de folie contre lesquelles on doit se protéger. L’une est la croyance selon laquelle nous pouvons tout faire et l’autre est celle selon laquelle nous ne pouvons rien faire.
